mardi 2 octobre 2012

Chapitre I


À Léon Werth.
Je demande pardon aux enfants d'avoir dédié ce livre à une grande personne. J'ai une excuse sérieuse: cette grande personne est le meilleur ami que j'ai au monde. J'ai une autre excuse: cette grande personne peut tout comprendre, même les livres pour enfants. J'ai une troisième excuse: cette grande personne habite la France où elle a faim et froid. Elle a bien besoin d'être consolée. Si toutes ces excuses ne suffisent pas, je veux bien dédier ce livre а l'enfant qu'a été autrefois cette grande personne. Toutes les grandes personnes ont d'abord été des enfants. (Mais peu d'entre elles s'en souviennent.) Je corrige donc ma dédicace:
À Léon Werth.
quand il était petit garçon.

Chapitre XVII


Le petit prince le regarda longtemps:
—Tu es une drôle de bête, lui dit-il enfin, mince comme un doigt...
—Mais je suis plus puissant que le doigt d'un roi, dit le serpent.
Le petit prince eut un sourire:
—Tu n'est pas bien puissant... tu n'as même pas de pattes... tu ne peux même pas voyager.
—Je puis t'emporter plus loin qu'un navire, dit le serpent.
Il s'enroula autour de la cheville du petit prince, comme un bracelet d'or:
—Celui que je touche, je le rends à la terre dont il est sorti, dit-il encore. Mais tu es pur et tu viens d'une étoile...